Arthrose de cheville aujourd’hui: prothèse ou arthrodèse?

<p class="article-intro">L’arthroplastie totale de cheville et l’arthrodèse apportent des résultats équivalents à moyen terme. Le bénéfice de ces deux opérations est toutefois limité dans le temps et la prise en charge de leurs conséquences, parfois très lourdes pour le patient, est encore un défi de sorte que la vraie question qui se pose aujourd’hui est celle du bilan final du traitement de l’arthrose de cheville invalidante.</p> <p class="article-content"><div id="keypoints"> <h2>Keypoints</h2> <ul> <li>Les r&eacute;sultats de l&rsquo;arthroplastie totale de cheville et de l&rsquo;arthrod&egrave;se sont similaires &agrave; moyen terme avec un l&eacute;ger avantage en faveur de l&rsquo;arthroplastie.</li> <li>Toutefois l&rsquo;efficacit&eacute; des deux options est limit&eacute;e dans le temps.</li> <li>Les proth&egrave;ses modernes sont de plus en plus fiables mais les solutions de r&eacute;vision sont encore trop peu d&eacute;velopp&eacute;es et parfois lourdes de cons&eacute;quences pour le patient.</li> <li>Le bilan final penche aujourd&rsquo;hui en faveur de l&rsquo;arthrod&egrave;se mais il est probable que l&rsquo;arthroplastie finisse par s&rsquo;imposer comme le standard m&ecirc;me si la route est encore longue.</li> </ul> </div> <p>Proth&egrave;se ou arthrod&egrave;se? Il y a une quinzaine d&rsquo;ann&eacute;e cette question fondamentale avait tout son sens. En effet, il s&rsquo;agissait de savoir si l&rsquo;arthroplastie totale de cheville pouvait &ecirc;tre consid&eacute;r&eacute;e comme une alternative &agrave; l&rsquo;arthrod&egrave;se. Entre temps plusieurs publications ont montr&eacute; que les r&eacute;sultats de ces deux options &eacute;taient &eacute;quivalents &agrave; moyen terme<sup>1&ndash;5</sup> de sorte, qu&rsquo;aujourd&rsquo;hui, cette question doit &ecirc;tre abord&eacute;e de mani&egrave;re plus nuanc&eacute;e et nous proposons de le faire sous forme de questions d&rsquo;actualit&eacute;.</p> <h2>Les proth&egrave;ses de cheville en 2020: meilleures qu&rsquo;avant?</h2> <p>Au cours des dix derni&egrave;res ann&eacute;es deux axes de progr&egrave;s ont &eacute;t&eacute; suivis. Le premier concerne le design et les mat&eacute;riaux, le second les ancillaires.<br /> Le design a suivi une &eacute;volution d&eacute;j&agrave; initi&eacute;e il y a deux d&eacute;cennies, &agrave; savoir une conception proche de l&rsquo;anatomie des surfaces articulaires et une r&eacute;section osseuse &eacute;conome. Le rev&ecirc;tement des implants s&rsquo;est aussi uniformis&eacute;, soit sous forme de spray titane soit sous forme de m&eacute;tal trab&eacute;culaire ou Trabecular Metal&trade; (Zimmer Biomet. Warsaw, Indiana, USA). L&rsquo;hydroxyapatite, encore utilis&eacute; il y a quelques ann&eacute;es en combinaison avec le titane spray, a quasi disparu car on lui attribuait une responsabilit&eacute; significative dans la d&eacute;lamination du rev&ecirc;tement et la formation de g&eacute;odes p&eacute;riproth&eacute;tiques, une complication recens&eacute;e dans 15 % (10&ndash;60 % ) des cas en moyenne.<sup>6</sup> Proth&egrave;se de cheville &agrave; plateau fixe versus plateau mobile est une autre question d&rsquo;actualit&eacute; relative au design. Il n&rsquo;existe pas de consensus qui permette d&rsquo;&eacute;tablir la sup&eacute;riorit&eacute; de l&rsquo;une sur l&rsquo;autre et chacune semble pr&eacute;senter des avantages.<sup>7&ndash;9</sup> Dans notre exp&eacute;rience, le plateau fixe permet de corriger plus facilement les troubles d&rsquo;axe ou de cin&eacute;matique articulaire ind&eacute;pendamment de la comp&eacute;tence ligamentaire. Toutefois, il n&rsquo;est pas certain que la modification radicale de la biom&eacute;canique de la cheville arthrosique qui a trouv&eacute; son &laquo;&eacute;quilibre&raquo; au fil des ann&eacute;es soit profitable et il est possible que le plateau mobile permette justement &agrave; la cheville proth&eacute;tis&eacute;e de se stabiliser dans la position qui correspond le mieux &agrave; son bon fonctionnement. Le march&eacute; am&eacute;ricain est dominant, il est soumis &agrave; la r&eacute;glementation de la FDA (Food and Drug Administration) qui n&rsquo;autorise que l&rsquo;implantation de proth&egrave;ses &agrave; plateau fixe. De ce fait le plateau fixe est impos&eacute; par les principaux fabricants. Malgr&eacute; cela des indices laissent &agrave; penser que des syst&egrave;mes en cours de commercialisation seront disponibles en versions fixe et mobile permettant ainsi au chirurgien de d&eacute;cider, m&ecirc;me en cours d&rsquo;intervention, de la version qui s&rsquo;approche le plus de la cin&eacute;matique optimale.<br /> Les ancillaires sont devenus plus pr&eacute;cis et les guides de coupes sur mesure r&eacute;alis&eacute;s &agrave; partir de reconstructions de la cheville par CT-scan offrent une bonne pr&eacute;cision d&rsquo;implantation si l&rsquo;on en croit l&rsquo;analyse des radiographies postop&eacute;ratoires.<sup>10</sup> Toutefois, &agrave; notre connaissance, aucune comparaison prospective avec les ancillaires classiques n&rsquo;est disponible et l&rsquo;avantage de cette m&eacute;thode reste &agrave; d&eacute;montrer. En tout &eacute;tat de cause cette pratique ne s&lsquo;est pas impos&eacute;e &agrave; ce jour et la plupart des fabricants proposent encore des ancillaires conventionnels. Des pistes pourraient encore &ecirc;tre explor&eacute;es, dont la navigation, voire la chirurgie par r&eacute;alit&eacute; augment&eacute;e. Toutefois le march&eacute; de l&rsquo;arthroplastie de cheville est petit et de ce fait difficilement rentable pour l&rsquo;industrie. C&rsquo;est un frein au d&eacute;veloppement de technologies de pointe au contraire de ce qui est r&eacute;alisable en chirurgie proth&eacute;tique de hanche ou de genou.</p> <h2>Les arthrod&egrave;ses de cheville en 2020: &eacute;volution des techniques?</h2> <p>Traditionnellement, l&rsquo;arthrod&egrave;se de cheville est pratiqu&eacute;e par une longue voie lat&eacute;rale ou par voie ant&eacute;rieure. Plus r&eacute;cemment, l&rsquo;arthrod&egrave;se arthroscopique de cheville a gagn&eacute; une certaine popularit&eacute;, notamment par la publication de r&eacute;sultats faisant &eacute;tat de r&eacute;duction des douleurs postop&eacute;ratoires, de la dur&eacute;e de s&eacute;jour, du taux de complications cicatricielles, voire du risque de pseudarthrose. Ceci n&rsquo;est toutefois pas confirm&eacute; &agrave; large &eacute;chelle et les revues de litt&eacute;rature ou m&eacute;ta-analyses ne montrent pas d&rsquo;avantage d&eacute;finitif d&rsquo;une technique par rapport &agrave; l&rsquo;autre.<sup>11, 12</sup> Par ailleurs l&rsquo;arthrod&egrave;se arthroscopique de cheville n&rsquo;est applicable qu&rsquo;&agrave; des patients s&eacute;lectionn&eacute;s, on ne peut notamment pas la r&eacute;aliser en cas de d&eacute;faut d&rsquo;axe s&eacute;v&egrave;re ni en cas de n&eacute;cessit&eacute; de greffe osseuse. Elle n&rsquo;a pas non plus de sens en cas de n&eacute;cessit&eacute; concomitante d&rsquo;ablation de mat&eacute;riel d&rsquo;ost&eacute;osynth&egrave;se. L&rsquo;arthrod&egrave;se arthroscopique de cheville ne remplace donc pas l&rsquo;arthrod&egrave;se par voie ouverte, elle est simplement une pi&egrave;ce de plus dans l&rsquo;arsenal th&eacute;rapeutique de l&rsquo;arthrose de cheville.</p> <h2>Taux de survie des proth&egrave;ses de cheville de 85 % &agrave; 10 ans: la r&eacute;alit&eacute;?</h2> <p>Le taux de survie des proth&egrave;ses de cheville peut se baser sur trois sources: la premi&egrave;re inclut les publications des concepteurs, la seconde celles des utilisateurs ou des observateurs ind&eacute;pendants, la troisi&egrave;me inclut les registres. La premi&egrave;re a pour avantage de faire b&eacute;n&eacute;ficier le lecteur de l&rsquo;expertise du concepteur et pour inconv&eacute;nient un biais potentiel li&eacute; au conflit d&rsquo;int&eacute;r&ecirc;ts. La seconde pr&eacute;sente les caract&eacute;ristiques inverses. La troisi&egrave;me source est neutre, toutefois elle s&rsquo;appuie sur des collections incompl&egrave;tes de donn&eacute;es<sup>13&ndash;15</sup> et se limite &agrave; un nombre restreint de crit&egrave;res. De ce fait, on obtiendra une r&eacute;ponse diff&eacute;rente en fonction de la source choisie. &Agrave; ceci s&rsquo;ajoute une inhomog&eacute;n&eacute;it&eacute; dans la litt&eacute;rature en ce qui concerne les d&eacute;finitions de &laquo;r&eacute;vision&raquo;<sup>16</sup> et de &laquo;complications &raquo;<sup>17</sup>. S&rsquo;agit-t-il d&rsquo;une r&eacute;-op&eacute;ration, d&rsquo;une intervention secondaire additionnelle, du changement du poly&eacute;thyl&egrave;ne, du changement d&rsquo;une ou des deux pi&egrave;ces m&eacute;talliques? De mani&egrave;re consensuelle une r&eacute;vision implique le changement d&rsquo;au moins une des deux pi&egrave;ces m&eacute;talliques qui signifie aussi la fin de la survie des implants, voire de la proth&egrave;se. Quoi qu&rsquo;il en soit, toutes sources et toutes pond&eacute;rations confondues, le taux de survie &agrave; 10 ans de 85 % (75&ndash;95 % ) des proth&egrave;ses implant&eacute;es ces 15 derni&egrave;res ann&eacute;es est proche de la r&eacute;alit&eacute;,<sup>16, 18&ndash;20</sup> soit une augmentation de 10 % par rapport aux r&eacute;sultats des proth&egrave;ses implant&eacute;es durant les 15 ans pr&eacute;c&eacute;dents. Les publications avec un recul sup&eacute;rieur &agrave; 10 ans sont trop rares pour &eacute;tablir une moyenne des taux qui s&rsquo;&eacute;tendent de 60&ndash;85 % .<br /> Les efforts scientifiques qui visent la mise &agrave; disposition de chiffres fiables sont perturb&eacute;s par plusieurs facteurs dont l&rsquo;un doit &ecirc;tre mentionn&eacute; ici: le facteur commercial. En effet, au cours des derni&egrave;res ann&eacute;es, plusieurs proth&egrave;ses ont &eacute;t&eacute; retir&eacute;es du march&eacute;, parfois uniquement dans quelques pays, &agrave; la suite de fusions d&rsquo;entreprises manufacturi&egrave;res et de flou dans les droits de distribution. Ces retraits, pour la plupart, n&rsquo;ont pas de justification clinique. On peut citer, comme exemple de ce paradoxe, le cas de la proth&egrave;se Salto Talaris (Tornier) dont les r&eacute;sultats publi&eacute;s par des chirurgiens ind&eacute;pendants des concepteurs sont tr&egrave;s prometteurs &agrave; moyens terme.<sup>21&ndash;23</sup> D&egrave;s lors, comment disposer du temps n&eacute;cessaire &agrave; l&rsquo;&eacute;valuation d&rsquo;une proth&egrave;se avant son retrait du march&eacute;?</p> <h2>Arthrose secondaire des articulations voisines apr&egrave;s arthrod&egrave;se: qu&rsquo;en est-il?</h2> <p>L&rsquo;arthrod&egrave;se de cheville fonctionne tr&egrave;s bien durant 10&ndash;15 ans, voire plus. Deux &eacute;tudes ont montr&eacute; cependant, qu&rsquo;&agrave; long terme, l&rsquo;arthrod&egrave;se de cheville avait pour cons&eacute;quence une arthrose des articulations sous-jacentes, en particulier de la sous-talienne (Fig. 1A&ndash;C), sans qu&rsquo;il y ait pour autant une corr&eacute;lation syst&eacute;matique avec le r&eacute;sultat clinique.<sup>24, 25</sup> Plusieurs &eacute;tudes, bien qu&rsquo;elles soient bas&eacute;es sur un recul plus faible, vont dans la m&ecirc;me direction, que ce soit sur le plan clinique ou en terme de biom&eacute;canique.<sup>26&ndash;28</sup> Une analyse critique de ces publications montre toutefois que l&rsquo;influence du positionnement de l&rsquo;arthrod&egrave;se de cheville sur le d&eacute;veloppement ult&eacute;rieur d&rsquo;arthrose des articulations voisines est insuffisamment &eacute;tudi&eacute;e. L&rsquo;av&egrave;nement du CT en charge permettra certainement d&rsquo;obtenir davantage d&rsquo;informations &agrave; ce sujet et de d&eacute;terminer ainsi la v&eacute;ritable long&eacute;vit&eacute; d&rsquo;une arthrod&egrave;se en bonne position m&ecirc;me si l&rsquo;on sait d&eacute;j&agrave; que la fixation en varus et un exc&egrave;s de talus est mal tol&eacute;r&eacute;.<br /> Quoi qu&rsquo;il en soit, nous pouvons effectivement &ecirc;tre confront&eacute;s &agrave; l&rsquo;arthrose des articulations voisines qui n&eacute;cessitent alors &agrave; leur tour une arthrod&egrave;se. La plus fr&eacute;quente est l&rsquo;arthrose sous-talienne. La r&eacute;alisation d&rsquo;une arthrod&egrave;se sous-talienne apr&egrave;s arthrod&egrave;se de cheville est li&eacute;e &agrave; un risque accru de pseudarthrose par rapport &agrave; une arthrod&egrave;se sous-talienne isol&eacute;e<sup>29</sup> et n&eacute;cessite une fixation plus stable (Fig. 1D) ainsi qu&rsquo;une &eacute;pargne de la charge et une immobilisation plus longues ce qui n&rsquo;est pas le cas dans les situations d&rsquo;arthrod&egrave;se des articulations voisines apr&egrave;s proth&egrave;se de cheville.<sup>30</sup> Toutefois, m&ecirc;me si l&rsquo;arthrod&egrave;se tibio-talocalcan&eacute;enne peut produire un taux &eacute;lev&eacute; de complications chez les patients &agrave; risque,<sup>31</sup> les r&eacute;sultats fonctionnels sont bons.<sup>32, 33</sup> L&rsquo;arthrose talo-naviculaire suivant une arthrod&egrave;se de cheville est rare dans notre exp&eacute;rience et la litt&eacute;rature est quasi muette &agrave; ce sujet. Dans le contexte de rigidit&eacute; accrue de la cheville et de l&rsquo;arri&egrave;re-pied l&rsquo;int&eacute;gration d&rsquo;une barre de d&eacute;roulement am&eacute;liore consid&eacute;rablement la qualit&eacute; de vie du patient, voire lui procure une d&eacute;marche normale.<sup>34</sup></p> <p><img src="/custom/img/files/files_datafiles_data_Zeitungen_2020_Leading Opinions_Ortho_2002_Weblinks_lo_ortho_2002_s7_fig1_crevoisier.jpg" alt="" width="850" height="283" /></p> <h2>Changement de proth&egrave;se: une solution &eacute;thique?</h2> <p>Connaissant le taux de survie des proth&egrave;ses de cheville, la proportion de patients relativement jeunes dans de nombreuses &eacute;tudes publi&eacute;es et l&rsquo;augmentation de l&rsquo;esp&eacute;rance de vie avec des patients &acirc;g&eacute;s plus longtemps actifs,<sup>35, 36</sup> il tombe sous le sens que le vrai probl&egrave;me de l&rsquo;arthroplastie de cheville est de trouver des solutions de r&eacute;vision fiables. Or, aujourd&rsquo;hui, les syst&egrave;mes de r&eacute;vision des proth&egrave;ses de cheville disponibles sur le march&eacute; sont tr&egrave;s rares. Le syst&egrave;me moderne le plus connu est l&rsquo;Inbone&trade; propos&eacute; par Wright Medical Group (Memphis, Tennessee, USA). Il pr&eacute;sente l&rsquo;avantage d&rsquo;&ecirc;tre modulaire mais l&rsquo;inconv&eacute;nient majeur d&rsquo;&ecirc;tre tr&egrave;s volumineux et invasif, ne laissant que peu d&rsquo;os disponible en vue d&rsquo;une r&eacute;vision ult&eacute;rieure ou m&ecirc;me de la conversion en arthrod&egrave;se. Le syst&egrave;me Salto Talaris<sup>&reg;</sup> XT cr&eacute;&eacute; par Tornier (Montbonnot, France) et distribu&eacute; en Europe par Wright Medical Group et aux USA par Integra (Plainsboro Township, New Jersey, USA) est &eacute;galement modulaire tout en &eacute;tant plus &eacute;conome en termes de r&eacute;section osseuse (Fig. 2). Une troisi&egrave;me solution est la fabrication d&rsquo;implants de r&eacute;vision sur mesure<sup>37</sup> qui va de pair avec un co&ucirc;t plus &eacute;lev&eacute;. Nous sommes d&rsquo;avis que, de principe, si une soci&eacute;t&eacute; met sur le march&eacute; une proth&egrave;se totale de cheville elle devrait proposer conjointement des solutions de r&eacute;vision en particulier dans le but de permettre des r&eacute;visions partielles, &eacute;vitant ainsi de changer compl&egrave;tement de syst&egrave;me avec la n&eacute;cessit&eacute;, souvent, d&rsquo;une chirurgie beaucoup plus invasive.<br /> Hormis ces consid&eacute;rations techniques on sait qu&rsquo;un changement de proth&egrave;se n&rsquo;est malheureusement pas l&rsquo;acte final de l&rsquo;odyss&eacute;e du patient ayant re&ccedil;u une proth&egrave;se.<sup>38&ndash;41</sup> C&rsquo;est une &laquo;bombe &agrave; retardement &raquo; qui demandera immanquablement, pour autant que l&rsquo;esp&eacute;rance de vie du patient soit suffisante, une nouvelle intervention majeure, voire davantage, dans la plupart des cas tr&egrave;s complexe et &agrave; risque, dont le risque d&rsquo;amputation, de plus en plus important au vu de la perte osseuse et de la mise &agrave; l&rsquo;&eacute;preuve sur les tissus mous inh&eacute;rents &agrave; un changement de proth&egrave;se. Le nombre d&rsquo;interventions majeures que peut tol&eacute;rer un pied avant de terminer en pied douloureux chronique est limit&eacute;. Il faut bien &ecirc;tre conscient de cela lorsqu&rsquo;on fait le choix d&rsquo;un changement de proth&egrave;se. Certes, pour autant qu&rsquo;on applique avec rigueur des crit&egrave;res de s&eacute;lection et qu&rsquo;on p&egrave;se aussi objectivement que possible la demande et surtout l&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t du patient le changement de proth&egrave;se peut &ecirc;tre une option. Toutefois il faut toujours se demander si une conversion en arthrod&egrave;se n&rsquo;est pas plus raisonnable d&rsquo;autant qu&rsquo;on sait que la douleur est plus importante que la rigidit&eacute; en termes d&rsquo;impact fonctionnel.<sup>39, 42, 43</sup></p> <p><img src="/custom/img/files/files_datafiles_data_Zeitungen_2020_Leading Opinions_Ortho_2002_Weblinks_lo_ortho_2002_s7_fig2_crevoisier.jpg" alt="" width="850" height="308" /></p> <h2>Conversion de proth&egrave;se en arthrod&egrave;se: une intervention fiable?</h2> <p>En 1992, Kitaoka &amp; Romnes<sup>44</sup> rapportaient que l&rsquo;&eacute;chec d&rsquo;une arthroplastie totale de cheville pouvait &ecirc;tre trait&eacute;e avec succ&egrave;s par une conversion en arthrod&egrave;se. Ceci a &eacute;t&eacute; confirm&eacute; par plusieurs publications qui soulignent toutefois que la consolidation est plus difficile &agrave; acqu&eacute;rir qu&rsquo;apr&egrave;s une arthrod&egrave;se primaire, que le taux de pseudarthrose est tr&egrave;s variable (50&ndash;90 % ), que le taux de complications est &eacute;lev&eacute; (20 % ) et que les progr&egrave;s en termes de fonction et de satisfaction sont souvent modestes.<sup>39, 42, 45, 46</sup> Les meilleurs r&eacute;sultats sont obtenus suite &agrave; l&rsquo;utilisation de greffe osseuse et de mat&eacute;riel de fixation rigide (Fig. 3). Bien entendu, on doit consid&eacute;rer la morbidit&eacute; potentielle de la prise de greffe et aussi la n&eacute;cessit&eacute; de r&eacute;aliser une arthrod&egrave;se concomitante de la sous-talienne jusque dans 50 % des cas (Fig. 4).<sup>46</sup> Malgr&eacute; ces r&eacute;serves force est d&rsquo;admettre, qu&rsquo;en cas de succ&egrave;s, on obtient un r&eacute;sultat d&eacute;finitif contrairement &agrave; ce qui arrive apr&egrave;s changement de proth&egrave;se.</p> <p><img src="/custom/img/files/files_datafiles_data_Zeitungen_2020_Leading Opinions_Ortho_2002_Weblinks_lo_ortho_2002_s8_fig3_crevoisier.jpg" alt="" width="850" height="319" /></p> <p><img src="/custom/img/files/files_datafiles_data_Zeitungen_2020_Leading Opinions_Ortho_2002_Weblinks_lo_ortho_2002_s9_fig4_crevoisier.jpg" alt="" width="425" height="249" /></p> <h2>D&eacute;sarthrod&egrave;se-proth&egrave;se: quels r&eacute;sultats?</h2> <p>On peut d&eacute;sarthrod&eacute;ser une cheville et y implanter une proth&egrave;se totale. Les indications publi&eacute;es incluent une arthrod&egrave;se douloureuse, une non-consolidation inv&eacute;t&eacute;r&eacute;e de l&rsquo;arthrod&egrave;se, des douleurs li&eacute;es &agrave; l&rsquo;arthrose des articulations voisines, et des douleurs inexpliqu&eacute;es.<sup>47&ndash;51</sup> Les &eacute;tudes disponibles, toutes de niveau IV, donnent peu d&rsquo;informations sur ce qui a &eacute;t&eacute; entrepris pour venir &agrave; bout des probl&egrave;mes li&eacute;s &agrave; l&rsquo;arthrod&egrave;se, offrent un faible recul &agrave; l&rsquo;exception de Schuberth JM et al.<sup>51</sup> et sont excessivement optimistes dans leurs conclusions. En effet, elles passent comme chat sur braise sur le nombre de complications ou d&rsquo;interventions additionnelles n&eacute;cessaires (jusqu&rsquo;&agrave; 50 % ), sur les r&eacute;sultats fonctionnels fortement inf&eacute;rieurs &agrave; ceux d&rsquo;une arthrod&egrave;se ou d&rsquo;une proth&egrave;se primaires, sur les douleurs r&eacute;siduelles pr&eacute;sentes chez la majorit&eacute; des patients et surtout ne soulignent que pudiquement les dangers qu&rsquo;une telle intervention fait courir au patient et auxquels il sera probablement soumis &agrave; moyen terme. Le message que nous souhaitons faire passer dans cet article d&rsquo;opinion est qu&rsquo;une d&eacute;sarthrod&egrave;se-proth&egrave;se doit &ecirc;tre, jusqu&rsquo;&agrave; preuve du contraire, r&eacute;serv&eacute;e &agrave; des situations exceptionnelles.</p> <h2>En r&eacute;sum&eacute;</h2> <p>On l&rsquo;aura compris, les deux options propos&eacute;es pour le traitement de l&rsquo;arthrose de cheville terminale produisent des r&eacute;sultats &eacute;quivalent &agrave; moyen terme. L&rsquo;am&eacute;lioration des courbes de survie des proth&egrave;ses totales de cheville constat&eacute;e dans les registres prouve que des progr&egrave;s significatifs ont &eacute;t&eacute; r&eacute;alis&eacute;s dans la ma&icirc;trise de cette option chirurgicale si bien, qu&rsquo;&agrave; la lumi&egrave;re des r&eacute;sultats &agrave; moyen terme, un discret avantage se d&eacute;gage maintenant en faveur de la proth&egrave;se.<br /> Ceci dit, dans notre exp&eacute;rience, le r&eacute;sultat d&rsquo;une arthrod&egrave;se est en g&eacute;n&eacute;ral pr&eacute;dictible, sauf complications. Nous en connaissons les bienfaits et les limitations et, au final, nos patients re&ccedil;oivent ce qu&rsquo;on a pu leur promettre. Pour les proth&egrave;ses les choses sont plus nuanc&eacute;es. Certes, une partie des patients sont extr&ecirc;mement satisfaits avec un r&eacute;sultat parfois sup&eacute;rieur &agrave; la meilleure arthrod&egrave;se, m&ecirc;me &agrave; long terme. &Agrave; l&rsquo;oppos&eacute; on trouve la fameuse &laquo;proth&egrave;se douloureuse&raquo;, &eacute;voqu&eacute;e dans la majorit&eacute; des publications et devant laquelle nous restons perplexes, voire dans l&rsquo;incapacit&eacute; de proposer une solution. Au milieu se trouvent les patients qui vont bien mais aussi ceux qui, m&ecirc;me s&rsquo;ils &eacute;voluent favorablement, n&eacute;cessitent des interventions additionnelles pour l&rsquo;optimisation du fonctionnement de la proth&egrave;se et aussi ceux chez qui la proth&egrave;se ne bouge pas, &eacute;quivaut donc &agrave; une arthrod&egrave;se mais est comptabilis&eacute;e dans les bons r&eacute;sultats des proth&egrave;ses. Nul doute que nous avons encore beaucoup &agrave; progresser dans la s&eacute;lection des patients, dans la compr&eacute;hension de la cheville arthrosique, dans le design des proth&egrave;ses et dans la technique op&eacute;ratoire. En deux mots, tout en leur proposant une technique optimale nous devrons encore savoir reconna&icirc;tre avec beaucoup plus de pr&eacute;dictibilit&eacute; les patients qui b&eacute;n&eacute;ficieront d&rsquo;une arthroplastie totale et les patients &agrave; qui une arthrod&egrave;se apportera davantage.<br /> Les r&eacute;flexions sur l&rsquo;indication, sur la ma&icirc;trise des techniques et sur les r&eacute;sultats &agrave; moyen terme sont une chose, consid&eacute;rer la probl&eacute;matique globale en est une autre. Ceci nous conduit &agrave; la notion de &laquo;bilan final&raquo;. En effet, &agrave; la lumi&egrave;re de ce que nous savons, il est fortement probable que, chez les patients dont l&rsquo;esp&eacute;rance de vie d&eacute;passe significativement le moyen terme, des interventions additionnelles, puis d&rsquo;autres encore seront requises apr&egrave;s l&rsquo;arthrod&egrave;se mais bien plus encore apr&egrave;s la proth&egrave;se. Au final il faudra comptabiliser, pour chaque option, le nombre des r&eacute;visions qui auront &eacute;t&eacute; n&eacute;cessaires, les complications v&eacute;cues et leur gravit&eacute;, le r&eacute;sultat en termes de douleurs r&eacute;siduelles, les co&ucirc;ts engendr&eacute;s, et m&ecirc;me la dur&eacute;e de l&rsquo;incapacit&eacute; de travail. Nous ne pouvons pas simplement balayer la fraction positive des bons r&eacute;sultats de la litt&eacute;rature et des registres mais il serait aveugl&eacute;ment malhonn&ecirc;te d&rsquo;ignorer la fraction n&eacute;gative de ces r&eacute;sultats et leurs cons&eacute;quences parfois tragiques pour nos patients. Forts de l&rsquo;exp&eacute;rience de plusieurs dizaines d&rsquo;ann&eacute;es de chirurgie secondaire ou tertiaire nous pouvons affirmer qu&rsquo;aujourd&rsquo;hui le bilan final penche encore clairement en faveur de l&rsquo;arthrod&egrave;se. Nous ne devons pas pour autant arr&ecirc;ter d&rsquo;implanter des proth&egrave;ses sachant que leur r&eacute;sultat en est parfois &eacute;blouissant et qu&rsquo;elles finiront probablement par s&rsquo;imposer comme le standard. Mais nous devons admettre que nous ne connaissons pas, aujourd&rsquo;hui, le chemin exact pour arriver avec fiabilit&eacute; et reproductibilit&eacute; &agrave; cette lumi&egrave;re. C&rsquo;est sur la d&eacute;couverte de ce chemin que nous devons travailler avec pers&eacute;v&eacute;rance. Nos travaux se doivent de respecter l&rsquo;&eacute;thique et leurs conclusions &ecirc;tre pr&eacute;sent&eacute;es avec retenue, sachant que des patients payeront encore un tribut significatif &agrave; cette &eacute;volution.</p></p> <p class="article-footer"> <a class="literatur" data-toggle="collapse" href="#collapseLiteratur" aria-expanded="false" aria-controls="collapseLiteratur" >Literatur</a> <div class="collapse" id="collapseLiteratur"> <p><strong>1</strong> Haddad SL et al.: J Bone Joint Surg Am 2007; 89: 1899-905 <strong>2</strong> Saltzman CL et al.: Foot Ankle Int 2009; 30: 579-96 <strong>3</strong> Schuh R et al.: Int Orthop 2012; 36: 1207-14 <strong>4</strong> Benich MR et al.: J Bone Joint Surg Am 2017; 99: 1792-800 <strong>5</strong> Norvell DC et al.: J Bone Joint Surg Am 2019; 101: 1485-94 <strong>6</strong> Arcangelo J et al.: Foot Ankle Surg 2019; 25: 96-105 <strong>7</strong> Gaudot F et al.: Foot Ankle Int 2014; 35: 131-40 <strong>8</strong> Nunley JA et al.: Foot Ankle Int 2019; 40: 1239-48 <strong>9</strong> Queen RM et al.: Clin Orthop Relat Res 2017; 475: 2599-606 <strong>10</strong> Daigre J et al.: Foot Ankle Int 2017; 38: 412-8 <strong>11</strong> Yasui Y et al.: J Foot Ankle Surg 2016; 55: 777-81 <strong>12</strong> Honnenahalli Chandrappa M et al.: J Clin Orthop Trauma 2017; 8: S71-S7 <strong>13</strong> Espehaug B et al.: Acta Orthop 2006; 77: 49-56 <strong>14</strong> Labek G et al.: Int Orthop 2013; 37: 1677-82 <strong>15</strong> Muir D: Foot Ankle Clin 2017; 22: 465-75 <strong>16</strong> Onggo JR et al.: Foot Ankle Surg 2019; in press <strong>17</strong> Mercer J et al.: Foot Ankle Int 2016; 37: 127-36 <strong>18</strong> Unden A et al.: Acta Orthop 2020; 91: 191-6 <strong>19</strong> Lee GW et al.: J Bone Joint Surg Am 2018; 100: 835-42 <strong>20</strong> Zaidi R, et al.: Bone Joint J 2013; 95-B: 1500-7 <strong>21</strong> Hofmann KJ et al.: J Bone Joint Surg Am 2016; 98: 2036-46 <strong>22</strong> Stewart MG et al.: Foot Ankle Int 2017; 38: 1215-21 <strong>23</strong> Marks RM: J Foot Ankle Surg 2019; 58: 1163-70 <strong>24</strong> Coester LM et al.: J Bone Joint Surg Am 2001; 83: 219-28 <strong>25</strong> Trouillier H et al.: Foot Ankle Int 2002; 23: 1081-90 <strong>26</strong> Ferguson Z et al.: J Orthop 2019; 16: 430-3 <strong>27</strong> Lenz AL et al.: J Bone Joint Surg Am 2020; 102(7): 600-8 <strong>28</strong> Sealey RJ et al.: Foot Ankle Int 2009; 30: 187-96 <strong>29</strong> Zanolli DH et al.: Foot Ankle Int 2015 ;36: 1025-8 <strong>30</strong> Gross CE et al.: Foot Ankle Int 2016; 37: 709-14 <strong>31</strong> Pitts C et al.: Bone Joint J 2020; 102-B: 345-51 <strong>32</strong> Ajis A et al.: Foot Ankle Int 2013; 34: 657-65 <strong>33</strong> Lee BH et al.: J Foot Ankle Surg 2018; 57: 23-30 <strong>34</strong> Jones DA et al.: J Foot Ankle Surg 2016; 55: 5-8 <strong>35</strong> Kontis V et al.: Lancet 2017; 389: 1323-35 <strong>36</strong> Storeng SH et al.: Scand J Public Health 2018; 46: 124-31 <strong>37</strong> Wagener J et al.: Bone Joint J 2017; 99-B: 231-6 <strong>38</strong> Hintermann B et al.: J Bone Joint Surg Am 2013; 95: 1166-74 <strong>39</strong> Kotnis R et al.: J Bone Joint Surg Br 2006; 88: 1039-47 <strong>40</strong> Williams JR et al.: Foot Ankle Int 2015; 36: 135-42 <strong>41</strong> Lachman JR et al.: Foot Ankle Int 2019; 40: 34-41 <strong>42</strong> Kamrad I et al.: Foot Ankle Int 2016; 37: 255-61 <strong>43</strong> Tenenbaum S et al.: J Bone Joint Surg Am 2014; 96: 1863-9 <strong>44</strong> Kitaoka HB, Romness DW: J Arthroplasty 1992; 7: 277-84 <strong>45</strong> Berkowitz MJ et al.: Foot Ankle Int 2011; 32: S493-502 <strong>46</strong> Gross C et al.: Foot Ankle Spec 2015; 8: 143-51 <strong>47</strong> Pellegrini MJ et al.: J Bone Joint Surg Am 2015; 97: 2004-13 <strong>48</strong> Hintermann B et al.: J Bone Joint Surg Am 2009; 91: 850-8 <strong>49</strong> Huntington WP et al.: Foot Ankle Spec 2016; 9: 330-5 <strong>50</strong> Greisberg J et al.: Clin Orthop Relat Res 2004; (424): 80-8 <strong>51</strong> Schuberth JM et al.: J Foot Ankle Surg 2020; in press</p> </div> </p>
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