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Attitude face à une infection après fixation pour fracture

<p class="article-intro">Les infections après fixation pour fracture sont une complication redoutée pouvant entraîner une perte de fonction voire une amputation si elles ne bénéficient pas d’une prise en charge spécifique, avec une démarche diagnostique et thérapeutique dédiée.</p> <p class="article-content"><div id="keypoints"> <h2>Keypoints</h2> <ul> <li>L&rsquo;infection apr&egrave;s fixation pour une fracture est une complication redout&eacute;e en chirurgie traumatologique, &agrave; prendre en charge pr&eacute;cocement.</li> <li>Une d&eacute;finition claire existe maintenant, permettant de poser le diagnostic.</li> <li>La prise en charge est bas&eacute;e sur une r&eacute;flexion unique, ind&eacute;pendante de celle des proth&egrave;ses.</li> <li>Le traitement bien codifi&eacute; permet un bon espoir de gu&eacute;rison.</li> </ul> </div> <h2>D&eacute;finition</h2> <p>Cela peut para&icirc;tre &eacute;trange mais il a fallu attendre le consensus de 2018 men&eacute;e par AO pour fixer une d&eacute;finition internationale de l&rsquo;infection apr&egrave;s fixation pour fracture.<sup>1</sup> Il existe des crit&egrave;res objectifs qui permettent imm&eacute;diatement la confirmation du diagnostic comme la pr&eacute;sence d&rsquo;une fistule ou d&rsquo;un trajet jusqu&rsquo;&agrave; l&rsquo;implant (Fig. 1), d&rsquo;un &eacute;coulement purulent ou la pr&eacute;sence de germes confirm&eacute;e &agrave; l&rsquo;histopathologie (sur minimum deux pr&eacute;l&egrave;vements perop&eacute;ratoires bien r&eacute;alis&eacute;s, soit deux &eacute;chantillons distincts pris en profondeur avec des instruments st&eacute;riles et propres pour chaque pr&eacute;l&egrave;vement). <br />En l&rsquo;absence de ces crit&egrave;res absolus, d&rsquo;autres dits subjectifs nous orientent vers ce diagnostic. Sur le plan clinique, nous pouvons retrouver une douleur en constante augmentation et ind&eacute;pendante de l&rsquo;activit&eacute; m&eacute;canique, une rougeur, chaleur et tum&eacute;faction, soit les quatre signes cardinaux: dolor, rubor, calor, tumor. La pr&eacute;sence de fi&egrave;vre, d&rsquo;un &eacute;coulement persistant de la plaie chirurgicale au-del&agrave; de la limite normale ou un nouvel &eacute;panchement articulaire &agrave; proximit&eacute; du mat&eacute;riel d&rsquo;ost&eacute;osynth&egrave;se p&eacute;n&eacute;trant l&rsquo;articulation, comme pour un clou de tibia ou clou r&eacute;trograde du f&eacute;mur dans l&rsquo;articulation du genou, sont &eacute;galement des signes en faveur d&rsquo;une infection. Des modifications des param&egrave;tres inflammatoires sanguins seront &eacute;galement pr&eacute;sentes comme une &eacute;l&eacute;vation des globules blancs et de la CRP (C-reactive protein). <br />Les radiographies fournissent des indications en faveur d&rsquo;une infection comme une lyse osseuse autour de l&rsquo;implant, une pseudarthrose, un s&eacute;questre ou une r&eacute;action p&eacute;riost&eacute;e. Le scanner ou tomodensitom&eacute;trie est l&rsquo;examen de choix apr&egrave;s la radiographie car il nous permet d&rsquo;analyser la structure osseuse plus pr&eacute;cis&eacute;ment que l&rsquo;IRM en nous fournissant des informations sur la consolidation osseuse, la pr&eacute;sence de s&eacute;questre osseux ou de pseudarthrose mais aussi sur l&rsquo;int&eacute;grit&eacute; de l&rsquo;implant. La tomographie par &eacute;mission de positron (TEP) ou la scintigraphie n&rsquo;ont pas leur place dans des situations cliniques dont l&rsquo;&eacute;volution ne d&eacute;passe pas un an.</p> <p><img src="/custom/img/files/files_datafiles_data_Zeitungen_2019_Leading Opinions_Ortho_1903_Weblinks_lo_ortho_1903_s20_fig1.jpg" alt="" width="350" height="314" /></p> <h2>&Eacute;pid&eacute;miologie</h2> <p>La fr&eacute;quence des infections apr&egrave;s fixation pour fracture est certainement sous-&eacute;valu&eacute;e car elle a longtemps manqu&eacute; de d&eacute;finition et de prises en charge codifi&eacute;es. Elles peuvent repr&eacute;senter jusqu&rsquo;&agrave; 30 % dans les cas de fractures ouvertes, contrairement aux fractures ferm&eacute;es qui sont de l&rsquo;ordre de 1 &agrave; 2 %.<sup>2</sup> Cette diff&eacute;rence s&rsquo;explique par une contamination directe de la plaie par des germes retrouv&eacute;s sur le lieu du traumatisme ainsi que des d&eacute;g&acirc;ts tissulaires compromettant la couverture osseuse. Malgr&eacute; une prise en charge chirurgicale par lavage, d&eacute;bridement et parage, une faible quantit&eacute; de germes, &agrave; partir de 100 &agrave; 1000 bact&eacute;ries, peuvent suffire &agrave; entra&icirc;ner une infection.<sup>2</sup> Les bact&eacute;ries s&rsquo;organisent par la suite en formant un biofilm qui leur permet de se d&eacute;fendre contre les substances antibact&eacute;riennes endog&egrave;nes comme les globules blancs et exog&egrave;nes comme les antibiotiques. La contamination peut &eacute;galement se faire par des germes acquis en milieu hospitalier favoris&eacute;s par des complications entra&icirc;nant une mauvaise cicatrisation comme le syndrome des loges, ou par une diss&eacute;mination h&eacute;matog&egrave;ne, m&ecirc;me si cette situation se pr&eacute;sente beaucoup moins fr&eacute;quemment.</p> <h2>L&rsquo;importance de la microbiologie!</h2> <p>Un pr&eacute;l&egrave;vement positif durant une op&eacute;ration reste un crit&egrave;re subjectif, seul le crit&egrave;re d&rsquo;histopathologie permet d&rsquo;affirmer l&rsquo;infection (&gt; 5 granulocytes par champ &agrave; un grossissement de 400 fois).<sup>3</sup> C&rsquo;est la multiplication des r&eacute;sultats positifs bien r&eacute;alis&eacute;s, c&rsquo;est-&agrave;-dire avec des instruments st&eacute;riles et propres pour chaque &eacute;chantillon et transf&eacute;r&eacute;s directement dans un contenant st&eacute;rile, qui permettra d&rsquo;affirmer le diagnostic, raison pour laquelle un nombre &eacute;lev&eacute; et impair de pr&eacute;l&egrave;vements doit &ecirc;tre r&eacute;alis&eacute; afin d&rsquo;&eacute;viter de se retrouver dans une mauvaise configuration pour conclure. <br />La sonication a l&rsquo;avantage de lib&eacute;rer les bact&eacute;ries de l&rsquo;implant les rendant disponibles pour la culture. Elle peut se r&eacute;aliser sur une partie du mat&eacute;riel d&rsquo;ost&eacute;osynth&egrave;se, comme une vis chang&eacute;e lors de l&rsquo;intervention, permettant de conserver l&rsquo;ost&eacute;osynth&egrave;se in situ. Dans les cas d&rsquo;infections retard&eacute;es ou chroniques, l&rsquo;utilisation de la sonication permet de mettre en &eacute;vidence des germes malgr&eacute; l&rsquo;antibioth&eacute;rapie pr&eacute;alablement administr&eacute;e. L&rsquo;apport de la microbiologie ne s&rsquo;arr&ecirc;te pas &agrave; la seule d&eacute;termination du germe mais permettra &eacute;galement la r&eacute;alisation d&rsquo;un antibiogramme, donnant la sensibilit&eacute; ou la r&eacute;sistance de la bact&eacute;rie &agrave; tel ou tel antibiotique.</p> <h2>Classification</h2> <p>Le temps &eacute;coul&eacute; entre l&rsquo;ost&eacute;osynth&egrave;se et l&rsquo;apparition des sympt&ocirc;mes a son importance.<sup>4</sup> Nous parlerons d&rsquo;une infection aigu&euml; moins de deux semaines apr&egrave;s l&rsquo;ost&eacute;osynth&egrave;se, retard&eacute;e entre deux semaines et deux mois (dix semaines), et tardive apr&egrave;s ces d&eacute;lais.<br /> Cette classification est &eacute;tablie en fonction de la pr&eacute;sence du biofilm qui n&rsquo;est pas encore mature et complet avant deux semaines, permettant un traitement avec r&eacute;tention d&rsquo;implant. Une infection aigu&euml; nous oriente aussi vers le type de germes, car une infection tr&egrave;s pr&eacute;coce est due &agrave; des germes dits virulents comme le Staphylococcus aureus ou bacille gram n&eacute;gatif.<br /> Apr&egrave;s deux semaines, les germes retrouv&eacute;s sont moins virulents, comme par exemple le Staphylococcus epidermidis ou Cutibacterium acnes, avec comme cons&eacute;quence un biofilm plus mature, laissant peu de chance &agrave; la r&eacute;tention d&rsquo;implant. On peut &eacute;galement retrouver le Staphylococcus epidermidis pour les infections tardives, avec un tableau de pseudarthrose ou d&rsquo;ost&eacute;omy&eacute;lite avec s&eacute;questres.</p> <h2>Traitement</h2> <p>Si l&rsquo;objectif final reste dans tous les cas l&rsquo;&eacute;radication de l&rsquo;infection, la consolidation osseuse est primordiale dans l&rsquo;infection apr&egrave;s fixation pour fracture car contrairement aux proth&egrave;ses, le mat&eacute;riel d&rsquo;ost&eacute;osynth&egrave;se a un but provisoire d&rsquo;aide &agrave; la gu&eacute;rison de la fracture et pourra &ecirc;tre retir&eacute; par la suite. &Agrave; son oppos&eacute;, celle de la proth&egrave;se ne peut pas dispara&icirc;tre sans perte de la fonction motrice.<sup>5</sup> L&rsquo;objectif est de diminuer le risque d&rsquo;ost&eacute;omy&eacute;lite qui peut avoisiner les 20 % dans ces situations.<br /> D&egrave;s que l&rsquo;infection est confirm&eacute;e, la question sera de savoir si la fracture est consolid&eacute;e. Dans ce cas, le mat&eacute;riel peut &ecirc;tre retir&eacute; accompagn&eacute; d&rsquo;un d&eacute;bridement et lavage ad&eacute;quat puis d&rsquo;une antibioth&eacute;rapie sur six semaines.<br /> En cas de non consolidation, la question de la dur&eacute;e du processus de l&rsquo;infection, comme expliqu&eacute; pr&eacute;c&eacute;demment, nous permet de raisonner sur la strat&eacute;gie th&eacute;rapeutique.<br /> En cas d&rsquo;infection aigu&euml;, le biofilm est encore immature et permet de garder le mat&eacute;riel d&rsquo;ost&eacute;osynth&egrave;se. Un d&eacute;bridement, parage, lavage et une antibioth&eacute;rapie nous donnent l&rsquo;espoir de gu&eacute;rison de l&rsquo;infection.<br /> En cas d&rsquo;instabilit&eacute; de l&rsquo;implant, de mauvaise couverture cutan&eacute;e ou d&rsquo;une r&eacute;duction insatisfaisante, le mat&eacute;riel doit &ecirc;tre retir&eacute; et la fracture fix&eacute;e temporairement par un syst&egrave;me interne ou externe provisoire. Un nouveau syst&egrave;me de fixation d&eacute;finitif sera n&eacute;cessaire par la suite.<br /> En cas d&rsquo;infection retard&eacute;e ou tardive, l&rsquo;option d&rsquo;un changement en un ou deux temps se base sur la facilit&eacute; de traiter le germe retrouv&eacute; et la qualit&eacute; des tissus mous. Si ces crit&egrave;res ne sont pas r&eacute;unis, un changement en deux temps s&rsquo;impose, avec un retrait du mat&eacute;riel et une mise en place d&rsquo;un fixateur externe avant une r&eacute;implantation.<br /> L&rsquo;antibioth&eacute;rapie initiale par la co-amoxicilline 2,2gr x 3 par jour est l&rsquo;antibiotique empirique &agrave; large spectre recommand&eacute;. La dose sera adapt&eacute;e en cas d&rsquo;insuffisance r&eacute;nale, puis modifi&eacute;e selon les r&eacute;sultats de l&rsquo;antibiogramme. Le choix sera bien entendu orient&eacute; en fonction de l&rsquo;agent pathog&egrave;ne et de son profil de r&eacute;sistance. Si l&rsquo;implant est maintenu en place, un traitement par antibiotique contre le biofilm est requis par rifampicine pour les staphylocoques et ciprofloxacine pour les grams n&eacute;gatifs. La rifampicine doit toujours &ecirc;tre associ&eacute;e avec un autre antibiotique pour &eacute;viter les r&eacute;sistances, et introduite d&egrave;s l&rsquo;obtention d&rsquo;une plaie chirurgicale s&egrave;che. Dans certaines situations o&ugrave; l&rsquo;infection se situe dans les endroits o&ugrave; l&rsquo;apport sanguin est faible, les antibiotiques locaux permettent d&rsquo;apporter des concentrations &eacute;lev&eacute;es d&rsquo;antibiotiques.</p> <p>&nbsp;</p> <p><img src="/custom/img/files/files_datafiles_data_Zeitungen_2019_Leading Opinions_Ortho_1903_Weblinks_lo_ortho_1903_s21_fig2.jpg" alt="" width="2151" height="1935" /></p> <p>&nbsp;</p> <div id="fazit"> <h2>En r&eacute;sum&eacute;</h2> <p>L&rsquo;infection apr&egrave;s ost&eacute;osynth&egrave;se pour fracture est une complication redout&eacute;e en chirurgie traumatologique. L&rsquo;objectif primaire est de soigner la fracture tout en &eacute;radiquant ou ma&icirc;trisant l&rsquo;infection. Un traitement d&eacute;finitif de l&rsquo;infection n&rsquo;est pas toujours la priorit&eacute;. L&rsquo;importance des tissus mous et de la pr&eacute;servation de la fonction est primordiale pour un bon r&eacute;sultat &agrave; long terme. Un traitement suppressif peut &ecirc;tre utilis&eacute; provisoirement, mais le mat&eacute;riel doit &ecirc;tre retir&eacute; d&eacute;s consolidation pour &eacute;viter un risque d&rsquo;ost&eacute;omy&eacute;lite.</p> </div></p> <p class="article-footer"> <a class="literatur" data-toggle="collapse" href="#collapseLiteratur" aria-expanded="false" aria-controls="collapseLiteratur" >Literatur</a> <div class="collapse" id="collapseLiteratur"> <p><strong>1</strong> Metsemakers WJ et al.: Fracture-related infection: a consensus on definition from an international expert group. Injury 2018; 49: 505-51 <strong>2</strong> Trampuz A, Zimmerli W: Diagnosis and treatment of infections associated withfracture- fixation devices. Injury 2006; 37: 59-66 <strong>3</strong> Ochsner PE, Hailemariam S: Histology of osteosynthesis associated bone infection. Injury 2006; 37(Suppl 2): S49-58 <strong>4</strong> Willenegger H, Roth B: Treatment tactics and late results in early infection following osteosynthesis. Unfallchirurg 1986; 12: 241-6 <strong>5</strong> Steinmetz S et al.: Infection after fracture fixation. EFORT Open Rev 2019; 4: 468-75</p> </div> </p>
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