© yuran-78 iStockphoto

Signes cliniques et biologiques de la ménopause

<p class="article-intro">L’espérance de vie des femmes dans les milieux civilisés augmente de plus en plus; 85,4 ans en France en 2017. Leur prise en charge le plus tôt possible est nécessaire afi n de leur assurer une qualité de vie la meilleure possible. Le diagnostic de ménopause et les conséquences de l’insuffi sance estrogénique qui en résulte seront évoqués. En conclusion, la prise en charge de ces femmes sera abordée: Traitement hormonal ou non sans oublier les conseils hygiéno-diététiques.</p> <hr /> <p class="article-content"><p>L&rsquo;esp&eacute;rance de vie des femmes dans les pays dits civilis&eacute;s ne cesse de croitre en ce d&eacute;but de 21&egrave;me si&egrave;cle; en France, fin 2017, elle &eacute;tait de 85,4 ans. C&rsquo;est &agrave; dire que les femmes passent pr&egrave;s d&rsquo;un tiers de leur vie en p&eacute;riode de m&eacute;nopause. Encore fautil que ces ann&eacute;es vaillent la peine d&rsquo;&ecirc;tre v&eacute;cues, dans un &eacute;tat de sant&eacute; acceptable! Ici, encore, la prise en charge de ces patientes ne doit pas seulement &ecirc;tre l&rsquo;occasion de la prescription d&rsquo;un traitement hormonal ou non mais de parler de pr&eacute;vention.</p> <h2>La m&eacute;nopause: d&eacute;finition</h2> <p>C&rsquo;est l&rsquo;arr&ecirc;t des s&eacute;cr&eacute;tions ovariennes par &eacute;puisement du capital folliculaire. Physiologiquement, il se produit entre 45 et 55 ans. On parle de m&eacute;nopause pr&eacute;coce en cas de survenue &agrave; ou avant 45 ans, d&rsquo;insuffisance ovarienne primitive si cela se produit avant 40 ans. Comme le montre la figure 1, la m&eacute;nopause ne survient pas, en g&eacute;n&eacute;ral, du jour au lendemain. Il s&rsquo;agit d&rsquo;une transition progressive au terme d&rsquo;une p&eacute;riode dite p&eacute;rim&eacute;nopause pendant laquelle les cycles deviennent irr&eacute;guliers, li&eacute;s &agrave; une insuffisance lut&eacute;ale pr&eacute;dominante. Le diagnostic clinique, chez une femme non hyst&eacute;rectomis&eacute;e, de 51 ans en moyenne, se fait au vu d&rsquo;une am&eacute;norrh&eacute;e de plus de 3 mois et est confirm&eacute; au bout d&rsquo;un an. Les fluctuations des hormones ovariennes (l&rsquo;estradiol), ou hypophysaires (FSH) ne permettent pas de confirmer ce diagnostic. Leur dosage sera donc inutile. Il peut apporter une aide au diagnostic chez la femme plus jeune en am&eacute;norrh&eacute;e ou chez la femme hyst&eacute;rectomis&eacute;e. Le test aux progestatifs peut alors avoir un int&eacute;r&ecirc;t: chez la femme en am&eacute;norrh&eacute;e la prescription s&eacute;quentielle de progestatif permet de savoir s&rsquo;il persiste ou non une s&eacute;cr&eacute;tion estrog&eacute;nique. La persistance de l&rsquo;am&eacute;norrh&eacute;e sous traitement progestatif cyclique de 10 jours par mois pendant 3 mois permet de d&eacute;finir une m&eacute;nopause av&eacute;r&eacute;e.</p> <h2>Retentissement clinique de la carence estrog&eacute;nique</h2> <p>Certains effets de la carence estrog&eacute;nique pourront se ressentir &agrave; court terme ou &agrave; long terme.</p> <p><strong>Court terme</strong></p> <ol> <li>Les sympt&ocirc;mes climat&eacute;riques: ce sont en g&eacute;n&eacute;ral, les premiers &agrave; apparaitre: bouff&eacute;es de chaleur, sueurs nocturnes. Les bouff&eacute;es de chaleur touchent plus de 65 % des patientes. L&rsquo;&eacute;tude d&rsquo;observation SWAN (Study of Women&rsquo;s Health Across the Nation) a montr&eacute; que la dur&eacute;emoyenne des sympt&ocirc;mes importants (plus de 6 jours au cours des 2 derni&egrave;res semaines) &eacute;tait de 7,4 ans.<sup>1</sup> La pr&eacute;sence de ces bouff&eacute;es est tr&egrave;s importante &agrave; consid&eacute;rer car la d&eacute;cision de mise en route ou le maintien d&rsquo;un traitement hormonal de m&eacute;nopause (THM) en d&eacute;pend. Elles peuvent &ecirc;tre d&rsquo;intensit&eacute; variable. Elles durent en g&eacute;n&eacute;ral quelques mois mais peuvent se poursuivre beaucoup plus longtemps. D&rsquo;autres troubles climat&eacute;riques sont parfois d&eacute;crits &agrave; cette p&eacute;riode: irritabilit&eacute;, anxi&eacute;t&eacute;, &eacute;tat d&eacute;pressif, insomnie. L&rsquo;intensit&eacute; et la dur&eacute;e de ces bouff&eacute;es de chaleur se doivent d&rsquo;&ecirc;tre appr&eacute;ci&eacute;es. En effet, des publications dont la m&ecirc;me &eacute;tude SWAN ont montr&eacute; qu&rsquo;elles constituent un marqueur du risque cardiovasculaire, osseux voire m&ecirc;me de l&rsquo;apparition d&rsquo;un diab&egrave;te de type 2.<sup>2, 3</sup></li> <li>Le syndrome g&eacute;nito-urinaire de m&eacute;nopause (SGUM): L&rsquo;hypoestrog&egrave;nie est le &laquo;primum movens&raquo; de l&rsquo;atrophie du syst&egrave;me urog&eacute;nital et sera &agrave; l&rsquo;origine du syndrome g&eacute;nitourinaire de m&eacute;nopause (SGUM). Il associe une s&eacute;cheresse vaginale, des troubles sexuels (dyspareunie, baisse de la libido), des troubles urinaires, dysurie, incontinence urinaire, imp&eacute;riosit&eacute; mictionnelle, infections &agrave; r&eacute;p&eacute;titions.<sup>4</sup> L&rsquo;atrophie cutan&eacute;e (rides, peau s&egrave;che) s&rsquo;y associe souvent.</li> </ol> <p><strong>Long terme</strong></p> <ol> <li>Os, articulations et m&eacute;nopause: La carence estrog&eacute;nique est reconnue comme &eacute;tant un facteur d&rsquo;acc&eacute;l&eacute;ration de la perte osseuse. Le r&ocirc;le du &laquo;rank ligand&raquo;, m&eacute;diateur de la formation, de la fonction et de la survie des ost&eacute;oclastes et de l&rsquo;ost&eacute;oprot&eacute;g&eacute;rine (OPG), prot&eacute;ine bloquant ce Rank Ligand, ont &eacute;t&eacute; &eacute;voqu&eacute;s des 1995 au moment de la parution des &eacute;tudes portant sur le denosumab. Les estrog&egrave;nes ont une action OPGlike. Leur carence favorise la production d&rsquo;ost&eacute;oclastes. Les femmes souffrant de bouff&eacute;es de chaleur pr&eacute;coces et tr&egrave;s importantes auraient un risque &eacute;lev&eacute; de perte osseuse pouvant &ecirc;tre responsables de la survenue de fractures ost&eacute;oporotiques.<sup>5</sup> Le THM a fait la preuve de son efficacit&eacute; pour pr&eacute;venir les fractures de la femme m&eacute;nopaus&eacute;e entre 50 et 60 ans. Les recommandations hygi&eacute;nodi&eacute;t&eacute;tiques sont, ici encore, tr&egrave;s importantes: activit&eacute; physique, calcium, vitamine D, r&eacute;gime alimentaire &eacute;quilibr&eacute;. Des arthralgies peuvent &eacute;galement &ecirc;tre d&eacute;crites, ici encore li&eacute;es &agrave; une hypoestrog&egrave;nie.</li> <li>Maladies cardiovasculaires (MCV) et m&eacute;nopause: Les MCV sont un enjeu de sant&eacute; publique majeur. En France, par exemple, une femme sur trois va mourir de MCV, 7 fois plus que d&rsquo;un cancer du sein. De nombreuses &eacute;tudes ont montr&eacute; que les estrog&egrave;nes sont b&eacute;n&eacute;fiques sur les vaisseaux. Ils vont emp&ecirc;cher la formation de la plaque d&rsquo;ath&eacute;rome.<sup>6</sup> &Agrave; la m&eacute;nopause la chute des estrog&egrave;nes va favoriser la formation de cette plaque. La prise d&rsquo;un THM &agrave; ce moment va donc &ecirc;tre b&eacute;n&eacute;fique. Par contre, si cette plaque est d&eacute;j&agrave; form&eacute;e, la prise des estrog&egrave;nes pourra &ecirc;tre d&eacute;l&eacute;t&egrave;re, responsable de sa fragmentation et de la migration de ces fragments vers les art&egrave;res coronaires ou art&egrave;res c&eacute;r&eacute;brales. La notion de la &laquo;fen&ecirc;tre d&rsquo;intervention&raquo; du THM (Fig. 2) prend ici toute son importance: prescrit t&ocirc;t &agrave; une femme m&eacute;nopaus&eacute;e, avant 10 ans de m&eacute;nopause confirm&eacute;e il aura un r&ocirc;le pr&eacute;ventif des accidents cardiovasculaires.<sup>7</sup> Par contre, prescrit trop tard, il sera responsable d&rsquo;infarctus du myocarde ou d&rsquo;accident vasculaire c&eacute;r&eacute;bral.<sup>8</sup></li> </ol> <h2>Conclusion</h2> <p>La prise en charge des femmes &agrave; la m&eacute;nopause pourra, ou non, selon les cas, faire appel au traitement hormonal de m&eacute;nopause (THM). Celuici va associer des estrog&egrave;nes et de la progest&eacute;rone ou un progestatif. Les estrog&egrave;nes seront prescrits seuls si la patiente a subi une hyst&eacute;rectomie. Le THM pourra leur &ecirc;tre propos&eacute; si elles se plaignent de syndrome climat&eacute;rique &agrave; condition d&rsquo;en expliquer les avantages, les inconv&eacute;nients et les risques pouvant y &ecirc;tre associ&eacute;s. C&rsquo;est le principe de la balance b&eacute;n&eacute;fice &ndash; risque. Bien s&ucirc;r avant toute prescription, il est n&eacute;cessaire d&rsquo;en rechercher les contreindications. Dans ce cas, ou si les femmes ne d&eacute;sirent pas prendre des hormones, d&rsquo;autres traitements non hormonaux pourront leur &ecirc;tre propos&eacute;s.<br /> Le THM sera toujours prescrit en d&eacute;but de m&eacute;nopause, en tous cas dans les 10 premi&egrave;res ann&eacute;es de sa survenue afin d&rsquo;&eacute;viter les effets cardiovasculaires n&eacute;fastes. Les derni&egrave;res &eacute;tudes et recommandations ont r&eacute;habilit&eacute; ce traitement tant d&eacute;cri&eacute; apr&egrave;s la parution de l&rsquo;&eacute;tude am&eacute;ricaine WHI. En particulier l&rsquo;utilisation de la progest&eacute;rone naturelle ou de la d&eacute;hydroprogest&eacute;rone permet d&rsquo;&eacute;viter l&rsquo;action n&eacute;faste du THM sur le sein (&eacute;tude E3N).<sup>9</sup><br /> De plus, la prescription de 17-b&ecirc;ta-estradiol par voie transcutan&eacute;e chez les femmes &agrave; risque permet d&rsquo;&eacute;viter les probl&egrave;mes veineux thromboemboliques.<sup>10</sup> Les recommandations des soci&eacute;t&eacute;s savantes internationales (IMS/NAMS) abordent l&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t du THM dans les troubles &agrave; long terme notamment la pr&eacute;vention cardiovasculaire.<sup>11, 12</sup> En France, l&rsquo;HAS ne le mentionne pas encore. N&eacute;anmoins, elle recommande de l&rsquo;utiliser en pr&eacute;vention des fractures ost&eacute;oporotiques en d&eacute;but de m&eacute;nopause.<br /> Le cas du SGUM est diff&eacute;rent: les estrog&egrave;nes par voie g&eacute;n&eacute;rale (orale ou transdermique) ne trouvent pas leur place en cas de soucis g&eacute;nito-urinaires. L&rsquo;administration d&rsquo;hormones par voie locale est recommand&eacute;e: estradiol, estriol<sup>13</sup> voire d&eacute;riv&eacute; de la DHEA (prasterone) ou d&rsquo;un SERM (ospemifene). On y associera souvent un gel hydratant ou lubrifiant et des probiotiques par voie vaginale.<br /> En cas de m&eacute;nopause pr&eacute;coce, ou d&rsquo;insuffisance ovarienne, la question THM ou non ne devrait m&ecirc;me pas se poser sauf en cas de contre-indication. Il s&rsquo;agit dans ce cas d&rsquo;un traitement hormonal substitutif. La non prise en charge pourrait &ecirc;tre m&eacute;dico-l&eacute;galement reprochable (os, maladies cardiovasculaires, qualit&eacute; de vie, mortalit&eacute; augment&eacute;e). Cette prise en charge ne se r&eacute;sume pas &agrave; une prescription de m&eacute;dicaments. N&eacute;anmoins, la mortalit&eacute; des femmes ayant pris un THM est moindre, et pourtant il s&rsquo;agit de celles enr&ocirc;l&eacute;es dans l&rsquo;&eacute;tude WHI, suivies pendant 18 ans et qui n&rsquo;avaient pas arr&ecirc;t&eacute; leur traitement malgr&eacute; l&rsquo;onde de choc provoqu&eacute;e &agrave; l&rsquo;&eacute;poque par les r&eacute;sultats de cette &eacute;tude, tellement contest&eacute;e aujourd&rsquo;hui.<sup>14</sup> Elle devra s&rsquo;accompagner de conseils hygi&eacute;no-di&eacute;t&eacute;tiques afin de pr&eacute;venir la survenue de maladies fr&eacute;quentes &agrave; cette p&eacute;riode: syndrome m&eacute;tabolique, maladies cardiovasculaires, diab&egrave;te. La poursuite d&rsquo;une surveillance r&eacute;guli&egrave;re permettra &eacute;galement une surveillance des seins et du syst&egrave;me osseux par la prescription de mammographies voire d&rsquo;ost&eacute;odensitom&eacute;trie chez les femmes &agrave; risque fracturaire.</p> <p><img src="/custom/img/files/files_datafiles_data_Zeitungen_2019_Leading Opinions_Gyn_1901_Weblinks_lo_gyn_s29_fig1.jpg" alt="" width="2150" height="874" /></p> <p><img src="/custom/img/files/files_datafiles_data_Zeitungen_2019_Leading Opinions_Gyn_1901_Weblinks_lo_gyn_s30_fig2.jpg" alt="" width="1419" height="890" /></p></p> <p class="article-footer"> <a class="literatur" data-toggle="collapse" href="#collapseLiteratur" aria-expanded="false" aria-controls="collapseLiteratur" >Literatur</a> <div class="collapse" id="collapseLiteratur"> <p><strong>1</strong> Santoro N, Sutton-Tyrrell K: The SWAN song: study of women&rsquo;s health across the nation recurring themes. Obstet Gynecol Clin North Am 2011; 38: 417-23 <strong>2</strong> Thurston RC et al.: Hot flushes and carotid intima media thickness among midlife women. Menopause 2011; 18: 352-8 <strong>3</strong> Crandall CJ et al.: Association of menopausal vasomotor symptoms with fracture incidence. J Clin Endocrinol Metab 2015; 100: 524-34 <strong>4</strong> Portman DJ et al.: Genitourinary syndrome of menopause: new terminology for vulvovaginal atrophy from the International Society for the Study of Women&rsquo;s Sexual Health and the North American Menopause Society. Maturitas 2014; 79: 349-54 <strong>5</strong> Boyle WJ et al.: Osteoclast differentiation and activation. Nature 2003; 423: 337-42 <strong>6</strong> Clarkson TB: The new conundrum: Do estrogens have any cardiovascular benefits? Int J Fertil Womens Med 2002; 47: 61-8 <strong>7</strong> Thurston R et al.: Menopausal symptoms and cardiovascular disease mortality in the Women&rsquo;s Ischemic Syndrome Evaluation (WISE Study). Menopause 2017; 24: 126-32 <strong>8</strong> Davey DA: Menopausal hormone therapy: a better and safer future. Climacteric 2018; 21: 454-61 <strong>9</strong> Fournier A et al.: Unequal risks for breast cancer associated with different hormone replacement therapies: results from the E3N cohort study. Breast Cancer Res Treat 2008; 107: 103-11 <strong>10</strong> Scarabin PY et al.; ESTHER Study Group: Differential association of oral and transdermal oestrogen replacement therapy with venous thromboembolism risk. Lancet 2003; 362: 428-32 <strong>11</strong> Baber RJ et al.; the IMS Writing Group: 2016 IMS Recommendations on women&rsquo;s midlife health and menopause hormone therapy. Climacteric 2016; 19: 109-50 <strong>12</strong> The NAMS 2017 Hormone Therapy Position Statement Advisory Panel: The 2017 hormone therapy position statement of the North American Menopause Society. Menopause 2017; 24: 728-53 <strong>13</strong> Suckling J et al.: Local oestrogen for vaginal atrophy in postmenopausal women. Cochrane Database Syst Rev 2006; (4): CD001500 <strong>14</strong> Manson JE et al.: Menopausal hormone therapy and long-term all-cause and cause-specific mortality: the Women&rsquo;s Health Initiative Randomized Trials. JAMA 2017; 318: 927-38</p> </div> </p>
Back to top